Savoir se choisir
- Bénédicte Spanu
- 4 oct. 2024
- 4 min de lecture

Quand vous êtes-vous fait passer en premier pour la dernière fois ?
Cette question vous perturbe ? Est-ce parce que vous êtes bien en peine d'y apporter une réponse ou parce que le simple fait d'oser formuler cette question vous met mal à l'aise ?
Inutile de vous inquiéter ou de culpabiliser, il n'y a rien de surprenant.
Savoir se choisir, se faire passer en premier est souvent connoté négativement dans notre société.
Pourquoi ? Parce qu'on l'assimile souvent à de l'égoïsme, de l'égocentrisme, de l'individualisme.
Parce qu'on présuppose que se choisir, c'est forcément au détriment des autres.
Pour ma part, je considère plutôt cela comme de la "bonne gestion".
Car comment pouvons-nous raisonnablement être présents pour les autres quand nous ne sommes pas déjà présents à nous-mêmes ?
En avion, lors de la présentation des consignes de sécurité en cas de dépressurisation, avez-vous remarqué qu'on nous explique toujours de positionner d'abord notre masque à oxygène avant d'aider les autres à le faire, y compris nos enfants ? Tout simplement parce que si nous ne répondons pas à nos propres besoins en premier, nous prenons le risque de ne plus être en état de le faire pour personne.
Pourquoi en serait-il autrement dans notre vie de tous les jours ?
Apprendre à se choisir : une nouvelle hygiène de vie au quotidien.
Installer cette nouvelle hygiène de vie nécessite souvent de déconstruire un certain nombre de croyances et de schémas mentaux acquis depuis l'enfance mais aussi de renouer avec l'écoute de nos besoins. Je vous partage ici quelques unes des bonnes pratiques que j'ai pu expérimenter et que j'essaie d'appliquer moi-même au quotidien (avec plus ou moins de facilité 😅). Elles ne sont bien entendu pas exhaustives, à vous de découvrir les vôtres.
1. Distinguer l'envie du besoin.
Cette distinction est importante car elle va permettre de faire la différence entre ce qui relève du caprice ou de l'acte égotique de la réponse juste et équilibrée à un besoin fondamental de notre être, qu'il soit physique, psychologique, émotionnel, spirituel. L'envie repose sur le désir et donc sur la recherche de quelque chose dont on espère qu'il va combler un manque en nous. Le besoin, lui, va exprimer la recherche d'une harmonie, d'un équilibre intérieur nécessaires à notre bien-être.
Dans nos sociétés de consommation modernes, construites sur la recherche permanente de la satisfaction de nos désirs et de nos envies, il nous est souvent devenu difficile d'établir cette distinction et d'être à l'écoute de nos besoins véritables. Nous ne savons souvent même plus les reconnaître. Cela demande de réapprendre à écouter nos ressentis, les messages de notre corps physique, à accueillir et reconnaître nos émotions, nos tensions, ...
2. Apprendre à poser des limites saines.
Se dire "oui", c'est aussi apprendre à dire "non", à fixer des limites saines, à soi-même et aux autres. Pourquoi à soi-même ? Parce que nous sommes très souvent les premiers à ne pas nous écouter et à franchir nos propres limites. Notre mental et sa volonté de contrôle, les injonctions acquises depuis l'enfance sur la nécessité d'être performant.e en toutes circonstances, de se "dépasser", de "ne rien lâcher", ... nous entraînent souvent dans une course effrénée et éreintante vers le mythe du sur-homme ou de la sur-femme qui serait enfin accompli.e car affranchie de ses besoins.
Oui mais voilà, nous ne sommes pas des machines mais des êtres vivants (aux dernières nouvelles, c'est toujours le cas, j'ai vérifié 😉). Nous avons des besoins et les ignorer systématiquement ne peut que nous conduire à des situations de déséquilibres majeurs au sein de notre écosystème personnel, ce qui va avoir de nombreux impacts dans notre vie, nos relations, notre santé et notre bien-être au quotidien.
A l'échelle sociétale, ces déséquilibres s'expriment aujourd'hui par une augmentation considérable et exponentielle des cas de détresse psychologique, notamment dans le monde professionnel : 48 % des salariés se déclarent ainsi concernés, dont 17% à un niveau élevé (1).
Apprendre à poser des limites, ce n'est pas refuser son aide ou ignorer les besoins ou les attentes des autres mais plutôt fixer un cadre clair et sain pour nous permettre d'agir de la façon la plus juste, pour nous et pour les autres, dans un rapport équilibré et pérenne.
3. Rechercher l'équilibre.
C'est cette recherche d'équilibre qui va nous guider et nous servir en quelque sorte de boussole pour définir nos limites et ce cadre d'action juste.
En effet, nous ne pouvons donner qu'à proportion de ce qu'on reçoit ou que l'on possède déjà. Nous pouvons remplir la coupe des autres à condition que la nôtre soit déjà pleine. Sans quoi nous allons progressivement l'assécher et nous ne pourrons plus rien donner à personne, à commencer par nous-mêmes.
Il est donc essentiel de veiller à maintenir stable notre niveau d'énergie et de préserver nos ressources intérieures, qu'elles soient physiques, psychologiques, émotionnelles ou spirituelles. Cela nécessite de mettre de la conscience à la fois sur ce que nous donnons et comment cela nous impacte mais aussi sur ce que nous recevons ou comment nous sommes capables de nous donner à nous-mêmes et nous ressourcer pour maintenir l'équilibre en nous.
4. En finir avec le mythe du sauveur.
Dernier point enfin, apprendre à se choisir et se faire passer en premier, c'est aussi en finir avec ce mythe du sauveur qui nous pousse à nous sacrifier au bénéfice de l'autre, en venant satisfaire le désir de notre ego blessé de se sentir reconnu, aimé, valorisé.
C'est décider de sortir de ce fameux triangle de Karpman dans lequel nous nous retrouvons si souvent piégés, passant alternativement du rôle de victime à celui de sauveur puis de bourreau. Choisir consciemment de rompre avec ce schéma, c'est s'offrir la possibilité de reprendre la responsabilité de notre vie et de nos actions, et retrouver par là notre souveraineté. Le pouvoir d'agir non pas sur les autres mais pour soi et pour les autres.
(1) Source : 12e baromètre du cabinet Empreinte Humaine avec OpinionWay.
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